Nous pourrions le considérer comme un alien à ce festival, tant Wes Anderson dénote par son style si atypique et identifiable. Dans cette critique d’Asteroid City, son dernier film présenté en compétition au Festival de Cannes, nous explorons sa création aussi drôle qu’émouvante. Troisième fois en compétition au Festival de Cannes après Moonrise Kingdom, qui a ouvert la 65ème édition en 2012, puis avec The French Dispatch en 2021, son dernier film n’a pourtant pas fait l’unanimité parmi les premiers spectateurs… Prenons un instant pour revenir sur cette œuvre, à l’esthétique parfaitement soignée, à travers les analyses (divergentes) de deux rédacteurs de la rubrique.

Résumé : Asteroid City est une ville minuscule, en plein désert, dans le sud-ouest des États-Unis. Nous sommes en 1955. Le site est surtout célèbre pour son gigantesque cratère de météorite et son observatoire astronomique à proximité. Ce week-end, les militaires et les astronomes accueillent cinq enfants surdoués, distingués pour leurs créations scientifiques, afin qu’ils présentent leurs inventions. À quelques kilomètres de là, par-delà les collines, on aperçoit des champignons atomiques provoqués par des essais nucléaires.

L’avis de Cynthia : 4,5/5

Avant d’analyser son dernier film, revenons un peu sur la carrière de M. Anderson. Bien qu’ayant investi le grand écran depuis 1996, son succès croissant ne semble toujours pas faire de lui un réalisateur « mainstream » auprès du grand public. C’est toutefois Moonrise Kingdom (2012) qui fût son premier grand coup de maitre avec l’ancrage de son style si reconnaissable, et qui a généré plus de 45 millions de dollars de recettes… puis le triple pour The Grand Budapest Hotel (2014), qui demeure le film ayant fait le plus d’entrées au box-office en France à ce jour avec 1 472 246 d’entrées, contre « seulement » 454 225 pour The French Dispatch (2021). Et si vous ne le connaissez toujours pas mais que vous naviguez fréquemment sur les réseaux sociaux, vous n’avez pas pu passer à côté de la trend lui rendant hommage, qui consistait à reprendre les codes esthétiques de ses films (bâtiments ou objets symétriques, palette de couleurs chatoyantes, zooms, police d’écriture spécifique…) pour en faire des vidéos plus sophistiquées !

1955
Dans la ville d’Asteroid City qu’il a monté de toutes pièces, Wes Anderson s’amuse à exploiter les travellings de caméra pour suivre le cours de la narration, en jouant également avec des split screens pour un rendu toujours plus extravagant et dynamique : chaque plan est ainsi chorégraphié au millimètre près. Mais sous cette apparente perfection se cache des personnages perdus ou usés par la vie. Dans ce onzième long métrage, le réalisateur sonde les profondeurs de l’être humain avec la mélancolie de personnages parfois incompris, dans une comédie dramatique « bitter-sweet » alliant gags légers et scènes touchantes. (Le cinéaste tourne tout de même en dérision un psychologue qui tente de faire passer un test de Rorschach, sans réel succès…). On y découvre ainsi une famille endeuillée, une actrice déprimée, un vieillard solitaire et une équipe d’apprentis scientifiques a priori HPI, dont un des garçons effectue compulsivement des paris pour se sentir exister (cela nous rappellerait presque l’obsession pour la symétrie de son réalisateur, non ?). Cette recherche existentielle d’un sens à la vie se joue également de manière poétique et romantique entre un garçon et une fille : quoi de plus onirique que de regarder les étoiles pour remettre en question l’univers ? Toute ces réflexions philosophiques sont magnifiquement accompagnées par la musique réconfortante et mystérieuse d’Alexandre Desplat, qui vient ponctuer quelques instants magiques, au milieu de musiques au style western ou skiffle des années 50 avec Chas McDevitt. Et ces personnages atypiques amusent également par leur vocabulaire soutenu ou plutôt désuet : il est donc possible de les entendre lancer des « gadzooks !» (saperlipopette) ou parler de « hubbub » (brouhaha). Notons par ailleurs la présence de la première scène gay entre deux hommes dans sa filmographie, un petit clin d’œil qui n’est pas passé inaperçu. Wes cherche aussi à pousser l’absurdité toujours plus loin, comme dans la mise en scène – lorsque Bryan Cranston brise le quatrième mur par exemple – mais aussi dans les scènes de science-fiction. Robert Yeoman dirige toujours la photographie pour créer des tableaux en 35mm aux couleurs vives et rétro, tout en s’inspirant du cinéma plus classique de Cocteau. Malgré ces commentaires positifs, le scénario reste prévisible et on ne note pas d’immense prise de risque. La superposition des niveaux de narration crée aussi parfois de la confusion dans le visionnage. On’ a désormais hâte de découvrir son adaptation d’un roman de Roal Dahl intitulé The Wonderful Story of Henry Sugar avec Benedict Cumberbatch, qui devrait sortir cet automne sur Netflix !
Jason Schwartzman et Tom Hanks en pleine discussion téléphonique dans le film "Asteroid city" (2023) de Wes Anderson.
Jason Schwartzman et Tom Hanks dans le film « Asteroid city » (2023) de Wes Anderson. TMDB.
Résumé de la conférence de presse :

Alors non, si vous vous posiez la question, aucun journaliste n’a évoqué la trend durant la conférence… mais l’équipe du film s’est pourtant prêtée à l’exercice !

https://www.instagram.com/reel/Cs2NBlgs4PE/?igshid=MzRlODBiNWFlZA%3D%3D

Durant cette conférence, tous les acteurs ont exprimé leur fascination pour l’univers du réalisateur, et leur confiance pour s’y être laissé laisser porter… car Wes Anderson est un réalisateur qui contrôle absolument tout et qui ne laisse rien au hasard. Maya Hawke a assuré pourtant qu’il n’y avait aucune pression à travailler avec lui, car tout glissait et à cela, Jeffrey Wright nous avouait qu’ils mangeaient aussi très bien sur le tournage ! Bryan Cranston, lui, utilisait la métaphore d’un grand orchestre où les acteurs sont comme des instruments qui jouent leur partition individuellement (parfois même aveuglément…), mais pour que cela prenne finalement un sens de par l’ensemble, grâce à l’harmonisation de Wes. Ce dernier tenait tout de même à souligner que ce sont bien les acteurs qui permettent de donner corps à son histoire, et que son rôle est seulement de coordonner sans en leur laissant une liberté dans l’interprétation des émotions par exemple. Selon lui, les acteurs sont même des gens différents qui tissent des liens mystérieux entre eux, ce qui le fascine et dont il est admiratif. Rupert Friend a affirmé qu’il était content d’avoir chanté dans son film, bien qu’il ne s’en pensait pas en être capable au début sans le soutien de Wes. Jason Schwartzman a aussi exprimé sa gratitude envers son mentor (précisons que Wes a 54 ans), avec qui il a débuté sa carrière d’acteur dans Rushmore quand il n’avait que 17 ans, et qui a ensuite joué dans 6 des 9 autres films qui sont sortis par la suite. Il a confié que c’était un réalisateur qui lui laisse l’occasion de s’exprimer et Wes a pu lui retourner le compliment en exprimant la fierté qu’il éprouvait pour ce qu’il est devenu depuis. Ensuite à la question « Existe-t-il des extraterrestres ? » Wes a évoqué l’argument de Stephen Hawking comme quoi il est improbable qu’il n’y ait pas une forme de vie extraterrestre… même s’il n’en est pas convaincu à titre personnel ! Et suite à une question sur la disparition des slow motions dans ces films, le réalisateur songe désormais à les réhabiliter dans ses prochains films. Enfin, une journaliste a demandé à Scarlett Johansson si le cinéma faisait plutôt partie de la vie réelle ou du rêve, ce à quoi elle a répondu que jouer dans un film était comme une extension de son inconscient. Suite à cette intervention, Wes a abordé le sujet des rêves et de ceux lucides, de la manière de s’en souvenir et d’y trouver des idées novatrices… On comprend désormais mieux d’où lui vienne son univers si fantastique !

Rediffusion : https://www.youtube.com/watch?v=e-sx_hK5wpM&t=760s

Asteroid City est une comédie de science-fiction d’une durée de 1h 45min et dont la date de sortie est prévue pour le 21 juin de cette année. Réalisé et produit par le texan Wes Anderson avec le soutien habituel de Roman Coppola, l’américain convie de nouveau sa famille d’acteurs. Parmi ces derniers, nous retrouvons Jason Schwartzman, Tilda Swinton, Willem Dafoe, Adrien Brody, Edward Norton et Jeff Goldblum, aux côtés de quelques nouveaux visages dont Scarlett Johansson, Tom Hanks, Bryan Cranston, Maya Hawke, Jeffrey Wright, Rupert Friend, Steve Carell ou encore Margot Robbie.

Cinéphile passionnée, j’aime les comédies absurdes, les biopics et les œuvres de Wes Anderson ou Pedro Almodóvar. Ancienne rédactrice en chef….

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Crédit à insérer :
Contenu soumis à la licence CC BY-NC-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/deed.fr) / Source : Article Codex vibre à Cannes #3 : Asteroid City (critique et Q&A)  de Codex-Cinema.fr (https://codex-cinema.fr/codex-vibre-a-cannes-3-asteroid-city-critique-et-qa/).

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Les droits de l’image appartiennent à leur auteur. Veuillez consulter leur site pour plus d’informations.

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