Sorti le 9 octobre dernier dans toutes les salles françaises, le producteur du magistral « A star is Born » a secoué le monde entier en présentant le biopic du Joker. En tant que future psy, je centrerai l’analyse du film à travers une perspective psycho-sociologique. Ce thriller psychologique Américain co-écrit et réalisé par Todd Philips (alias Todd Bunzi), est basé sur les origines du personnage éponyme de DC Comics.

Résumé : Dans les années 1980, à Gotham City, Arthur Fleck, un humoriste de stand‐up raté, bascule dans la folie et devient le Joker.

Une réalité médicale (alarmante)

Tout commence par cette pathologie du rire. C’est un trouble neurologique qui touche une partie de la zone frontale du cerveau : les cas sont rares mais existent bien. Le patient rit dans n’importe quelle situation comme le fait Arthur dans le film, et cette inhibition sociale du rire crée des moments extrêmement gênants à la fois pour le malade et l’interlocuteur. Souffrir de cette maladie n’a somme toute, rien de drôle… et constitue un réel handicap dans les relations sociales. Puis, nous sommes plongés dans le pathos du début à la fin du film. Le pathétisme et la misère du personnage d’Arthur se manifeste d’une part, par son physique squelettique. Phoenix a d’ailleurs perdu 25 kilos et c’est selon lui, ce qui l’a en partie plongé dans cet état de folie. Cette misère physique est psychologique dépeignent une réalité psychopathique jusqu’alors mal connue. Je tiens à déconstruire le mythe du « psychopathe » afin de remettre les choses au clair. Un psychopathe, c’est quoi ? Du latin psyche (âme) et pathos (souffrance), il s’agit tout bonnement d’une personne atteinte d’un trouble ou d’une maladie psychique. Ainsi, l’hyperactivité, la dépression, l’anxiété pathologique ou l’anorexie pourraient concrètement donner le titre de psychopathe…

Cette parenthèse étant faire, il est important de préciser que ces personnes psychopathes ne sont pas nécessairement psychotiques : c’est-à-dire souffrant d’une psychose. Néanmoins selon le criminologue Adrian Raine (source : https://www.vanityfair.fr/culture/ecrans/story/cinema-ce-neurocriminologue-a-trouve-joker-extremement-credible/10530), le Joker souffrirait bien de schizophrénie (qui est une forme de psychose) et plus précisément d’un « trouble de la personnalité schizotypique » aussi appelé « TPS » dans le jargon. Donc voilà, mais si vous pensez qu’on a terminé l’analyse, détrompez-vous…

Joaquin Pheonix interprétant le Joker, se maquillant en pleurant dans le film "Joker" (2019) de Todd Phillips.
Joaquin Pheonix dans le film « Joker » (2019) de Todd Phillips. TMDB.
La trajectoire d’un criminel
Personne ne nait criminel. Néanmoins, la criminologie établit des profils-type. Dans le film, la personnalité d’Arthur et son basculement vers le crime est particulièrement réaliste selon Raine. On comprend qu’il a été maltraité physiquement et même mentalement étant enfant (j’évite d’utiliser le terme « psychologiquement » qui fait référence à la discipline qui étudie la psyché). On a donc affaire à un enfant maltraité et traumatisé, un adulte dépressif souffrant d’hallucinations, atteint de pulsions violentes, sujet à de nombreuses désillusions ainsi qu’à un rejet de la société vis-à-vis de son handicap. En effet, le personnel de l’hôpital psychiatrique ou même sa psy ont une incompréhension totale de sa condition, ce qui va provoquer son repli et accélérer sa folie. Pourtant, il cache derrière son masque de clown ce mal-être profond. C’est l’ironie et le cynisme le plus total d’un clown dénommé heureux qui ne l’a jamais été de sa vie. Tous ces facteurs le conduisent vers la délinquance et la dépravation lorsqu’il apprend en plus, avoir été adopté. C’est cette nouvelle qui va faire basculer un homme fauché et mal dans sa peau vers le crime. L’effacement d’Arthur laisse alors place au Joker : tout comme Anakin vers Dark Vador… une âme égarée et souffrante, basculant inévitablement vers le Mal. L’insultant remplace alors le poli, l’innocence par l’indécence et Joker se crée une personnalité complètement immorale, en décalage avec son ancienne réalité, comme une psychose qu’on voit naître dans le film. Un personnage scandaleux et haut en couleurs qui trouve par le Mal, un franc succès auprès de la population de Gotham, qui acclame un véritable (contre)-héros. Comme si c’était à cela que tenait sa réhabilitation dans la structure sociale : en dépassant le seuil d’horreur. C’est cette renaissance dans le Mal qui va paradoxalement le sauver. Tel un anti-héros révolutionnaire, il se dresse comme symbole de crise idéal d’une société hypocrite rongée par les inégalités : société dont il tire finalement bénéfice, ou plutôt maléfice… En somme, en osant mettre sa folie au service de la lutte, il a ravivé (ou du moins suscité) la rage du peuple à son profit, célébrant l’ode à la folie.
Le film a reçu le Lion d’or à la Mostra de Venise 2019. Véritable succès au box-office et bénéficiant de critiques élogieuses, c’est le jeu d’acteur de Joaquin Phoenix qui est particulièrement salué et de nombreux challenges de danse sur les escaliers ont fait leurs apparitions sur les réseaux sociaux…

Cinéphile passionnée, j’aime les comédies absurdes, les biopics et les œuvres de Wes Anderson ou Pedro Almodóvar. Ancienne rédactrice en chef….

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Contenu soumis à la licence CC BY-NC-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/deed.fr) / Source : Article Psychothérapie du Joker  de Codex-Cinema.fr (https://codex-cinema.fr/psychotherapie-du-joker/).

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Les droits de l’image appartiennent à leur auteur. Veuillez consulter leur site pour plus d’informations.

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