Comme pour Truffaut, Demy ou Dolan, Pedro Almodóvar est un cinéaste dont il faut avoir vu la filmographie. Je compte donc vous présenter dans cet article, dix bonnes raisons de découvrir le cinéma de ce septuagénaire, illustre représentant de la nouvelle vague Espagnole. A l’instar du poète Catalan Joan Maragall, le réalisateur propose lui aussi une ode à l’Espagne traditionnelle, moderne et inclusive qu’il chérit tant.
Almodóvar et un réal haut en couleur… Depuis son premier film « Pepi, luci, bom et autres filles du quartier » sorti en 1980, il n’a jamais cessé de présenter des intérieurs saillants. Parapluies multicolores, vêtements pailletés, rayés et éclatants, sont un trait caractéristique de son univers. De plus, rien n’est laissé au hasard. Chaque couleur porte une signification et une symbolique très forte comme le rouge dans tous ses films, mais aussi bien des couleurs chaudes ou froides en fonction des émotions de la séquence.
Également scénariste, Almodóvar représente les difficultés du quotidien presque à la manière d’une telenovela dans « femmes au bord de la crise de nerfs ». Il est aussi question de dépression, d’engagement social avec son film « la mauvaise éducation », de sa carrière et son homosexualité dans « douleur et gloire », de vérité, de tabous, de culpabilité et de famille comme dans « Volver ». Beaucoup de ses films se déroulent à Madrid, sa ville d’adoption. De plus, le fait que son frère Agustín joue et produise ses films avec leur boite de production illustre bien ce dévouement personnel.
Antonio Banderas dans le film ‘Douleur et Gloire’ (2019) de Pedro Almodóvar. TMDB.
Ses films sont un véritable hommage aux amants perdus, aux femmes, aux douleurs et aux retrouvailles. Son rapport au corps et à l’érotisme est si particulier. Il en dévoile les plaisirs comme les douleurs, toujours avec profondeur, puissance et parfois cruauté. En effet, c’est souvent des amours folles et passionnelles qui mènent au drame comme pour « Attache moi ! » ou « la loi du désir »… En parallèle, le théâtre et la mise en scène sont des thèmes récurrents à l’intérieur de l’histoire, qui racontent le processus d’inspiration et de création des artistes avec quelques muses et beaucoup de lettres d’amour.
Antonio Banderas et Victoria Abril dans le film ‘Attache-moi !’ (1990) de Pedro Almodóvar. TMDB.
Qu’importe le scénario, Almodóvar arrive à créer des scènes splendides. Que ça soit au bord d’un lac paisible, dans une cuisine, une église ou une voiture léopard, il impose une esthétique toujours très travaillée jusque dans les moindres détails.
Les plans sont audacieux et novateurs, il va même jusqu’à incruster des schémas en 3D comme dans son dernier film « Douleur et gloire ». Un travail original largement récompensé car le cinéaste compte à son actif une quasi cinquantaine de prix gagnés tout au long de sa carrière. Enfin, les scènes de théâtre sont omniprésentes, ce qui crée des mises en abime assez déconcertantes.
Fele Martínez dans le film « La Mauvaise Éducation » (2004) de Pedro Almodovar. TMDB.
Certains acteurs lui sont fétiches comme Antonio Banderas depuis 1982, Pénélope Cruz, Carmen Maura, Victoria Abril ou Rossy de Palma. Ses personnages sont très expressifs et authentiques. Il raconte l’histoire de séducteurs tout comme de femmes qui s’affirment, surnommées les « chicas Almodóvar ». Le réalisateur Espagnol est aussi très inclusif. Il met en scène des transsexuels dans beaucoup de films comme « Tout sur ma mère », mais également un aveugle dans « étreintes brisées », des toxicomanes, une femme de maison débordée dans « qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » et une chanteuse punk dans « Le Labyrinthe des passions ».
Penelope Cruz dans le film « Étreintes brisées » (2009) de Pedro Almodovar. TMDB.
Souvent exubérant, parfois absurde comme dans « Kika ». Son ciné c’est des gifles, des flingues, des baisers langoureux et du gaspacho volant dans « Femmes au bord de la crise de nerfs » ou encore une médium nymphomane et des stewards gogo dancers dans « les amants passagers » ! Ce n’est pas caractéristique de son cinéma mais ça vaut le détour.
Carlos Areces, Raúl Arévalo et Javier Cámara dans le film « Les Amants passagers » (2013) de Pedro Almodovar. TMDB.
Le cinéaste nous plonge autant dans la nostalgie d’une enfance que dans la gravité d’un deuil. Il y a des fous rires, l’adrénaline d’une course-poursuite, le désir ardent d’une romance, une prise d’otages et quelques meurtres… Le film « Julieta » qui traite de la blessure d’un manque ou « Étreintes brisés » sont les plus émouvants selon moi. Almodóvar aime se frotter au drame, tout en évitant l’appellation de mélodrame qu’il trouve moins rigoureux et synthétique quitte à se réapproprier le genre.
Antonio Banderas et Victoria Abril dans le film ‘Attache-moi !’ (1990) de Pedro Almodóvar. TMDB.
Le mouvement a une grande importance dans son cinéma. Des gros plans, des lignes, des contre-plongée… Un travail très inspiré que le monteur José Salcedo n’aura cessé de sublimer pendant près de 40 ans avant de décéder en 2017. “Julieta » sorti en 2016 est selon moi, l’ultime illustration de ce travail minutieux.
Elle accompagne toujours l’histoire à la perfection. Tension, tristesse, mambo, chants religieux, folk, accordéon, flamenco, boléros… Tout y passe ! Elle permet d’accentuer encore davantage la scène et de nous immerger dans l’histoire sans aucun détachement. Comme pour le montage, c’est le fruit d’une collaboration de plus de 20 ans avec le compositeur Alberto Iglesias qui rend les BO si convaincantes. Celle de « La piel que habito » est un chef d’œuvre.
Antonio Banderas et Elena Anaya dans « La piel que habito » (2011) de Pedro Almodovar. TMDB.
Et puis si ces raisons ne vous suffisent toujours pas, il y a toujours de quoi faire progresser son espagnol… Qu’à cela ne tienne, adiós los lectores !
0 commentaires